"Là où dansent les fantômes",
exposition du 15/12/2022 au 31/10/2023
C’est à l’aube de la nuit que cette histoire de fantômes pourrait démarrer. A l’heure exacte où une brèche entre les jours se crée. Les dessins de Magdalena Lamri, réalisés au fusain, pierre noire et graphite s’y immiscent et amènent le spectateur en des lieux où l’invisible devient perceptible, où tout devient possible…
Dans son travail, le réel tel que nous le connaissons subsiste malgré tout. Mais les architectures y sont détruites, figées dans le temps, dépeuplées. L’absence pour mieux parler de la précarité et la fragilité de notre condition humaine. Ne restent que les empreintes sensibles d’un passage, des résidus de ce qui fut, révélés par des jeux d’ombres et de lumières.

Le réalisme flirte avec l’abstrait pour créer ces espaces oniriques dans lesquels les lois de la Physique sont malmenées, offrant tout autant de paradoxes poétiques.
En dualité avec les vestiges, la Nature devient paysage-refuge. Le motif de la forêt est omniprésent mais il ne constitue pas qu’un décor anecdotique à son travail. La forêt est à la fois la représentation d’un monde intérieur, un lieu de repli propice à l’introspection et à la rêverie, qui éveille des souvenirs liés à l’enfance et à la fantasmagorie qu’elle suscite.
Mais bien sûr, sa présence n’est pas seulement liée à une histoire personnelle. Elle résonne aussi comme un signal d’alarme écologique, nous renvoyant à notre responsabilité de préserver ce qui bientôt pourrait ne plus être.
Ici, il n’est pas question de fantômes au sens où nous l’entendons habituellement. Les fantômes, ce sont nous, ils sont chaque être vivant. Ils sont toute cette matière vivante qui a habitée, habite ou habitera un endroit, un instant.
Chaque atome qui nous compose est une infime partie de la sédimentation de notre monde.
Nous sommes la géologie du monde sensible.
Bien souvent dans ses œuvres, ces fantômes prennent la forme d’étoiles. Ce choix n’est pas anodin et s’appuie sur les déclarations de l’astrobiologiste Carl Sagan dans sa série Cosmos, qui expliquait que « l’azote dans notre ADN, le calcium de nos dents, le fer dans le sang, le carbone dans nos tartes aux pommes ont été faits à l intérieur d’étoiles qui se sont effondrées. Nous somme faits de poussières d’étoiles »

« Enclore », oeuvre Land'Art de Marie-Hélène RICHARD (44)
En résidence à l’abbaye début mai 2022, Marie-Hélène Richard s'est consacrée à la réalisation d’une œuvre de land-art installée de façon éphémère (1 à 2 ans) dans le domaine de l’abbaye, où se situait le cloître : « L’espace circulaire nous est fermé. L’accès n’est plus possible. On ne peut que regarder de l’extérieur. Dedans, toute intervention humaine est rendue impossible.
Ce cloître fût, au fil du temps, le pivot central de la vie de centaines de moines.
J’imagine dans l’architecture quadrangle qui existait alors, les galeries arpentées maintes et maintes fois pour circuler entre les bâtiments, les lieux sont entièrement dédiés à l’humain, à sa protection spirituelle et physique, dans le cirque des montagnes sauvages alentours. Aujourd’hui notre empreinte anthropocentrée écrase tous les paysages. L’intention est de mettre la Nature au centre névralgique d’un lieu où, précisément, l’Homme est installé depuis des siècles.
Clore d’un grand cercle de branches le centre de l’ancien cloître. Laisser le temps réensauvager les carrés de pelouse et la croix des chemins. ». M.-H. Richard